Après avoir démontré l'''abus de langage'' qui est le fait d'employer un mot dans une acception inusitée ou critiquée, ou d'employer un mot à la place d'un autre.
Au sens strict, l'utilisation d'un mot pour un autre n'est pas un abus du langage mais une impropriété de termes.
Venons-en aux temps modernes.
Du bas du Villaret, là où se termine la qualité torrentielle du torrent du Saint-Ruph, jusqu'à la sortie de Faverges, où commence la commune de Giez, nous allons suivre ce que nos anciens avaient bien décrit, déjà en 1865, et qu'avait concrétisé Sadi Carnot dans son rapport :
''Le lit de la glière du torrent de Saint-Ruf''.
Toutes les cartes d'état major, toutes les cartes IGN, tous les plans dessinés par les agents communaux ou tous les documents édités à but publicitaire mentionnent le Torrent de Saint-Ruph qui devient l'Eau Morte à partir du hameau du Villaret.
Nos anciens nés dans les années 1930-1940, qui habitaient rue de la Fontaine, l'allée qui mène au boulodrome de la Glière, naissaient « à la Glaire », terminologie employée improprement pour qualifier le lieu proche de la glière du torrent du Saint-Ruph. Il ne vient pas ''à l'esprit normalement développé'' de quiconque de prétendre un seul instant que ces personnes naissaient dans le torrent (!)
Si Constantin et Désormeaux maîtrisaient bien le patois savoyard, ils n'avaient que peu de notion des impropriétés des termes locaux qui avaient transformé les matériaux solides (les galets) en matière liquide (l'eau du torrent). Ils ont converti un barbarisme de termes en ce que l'on qualifie de nos jours un ''abus de langage''. En effet, tout un chacun n'aurait jamais admis que son père ou son oncle eût pu naître dans l'élément liquide qu'est le Torrent du Saint-Ruph, mais bien évidemment dans un lieu au nom particulier, ''La Glaire''.
Comme quoi, à l'évidence, « un égo sur-dimensionné » développe bien « une réflexion limitée » ! Il a fallu qu'un individu intéressé par son commerce touristique en prenne à sa guise comme à son habitude avec la vérité géographique, historique et locale. Encore faudrait-il savoir lire et comprendre lorsqu'on veut copier !
Durant les années 1930, la glière du Torrent de Saint-Ruph se déployait d'une rive à l'autre. Ici, le pont du Lachat qui verra ses piles, pourtant constituées de béton armé, emportées par des crues successives, et qu'il fallut beaucoup plus tard reconstruire sans piles.
La canicule de ce mois de juillet 2015 fait apparaître l'ampleur de cette glière tout au long du torrent du Saint-Ruph qui devient l'Eau Morte.
Dès l'amont du boulodrome, l'altitude du lieu est déjà bien au-dessous des 551 mètres que les géographes et géologues déterminent pour qualifier le caractère torrentiel du torrent du Saint-Ruph. Ici, déjà, celui-ci change d'appellation en devenant l'Eau Morte, et sa glière s'étale sur toute la largeur du lit du torrent :
Dès l'aval du boulodrome, un enrochement de protection du pont du Lachat crée une forte pente qui donne au torrent une force suffisante pour libérer le lit de la glière de ses galets, cailloux et sable, ne laissant subsister que les gros rochers. Le lit se rétrécit :
Plus bas, en amont du pont de Favergettes, la glière s'étale à nouveau sur toute la largeur du lit du torrent de Saint-Ruph qui est déjà devenu l'Eau Morte, à 512,80 mètres d'altitude :
Avant le pont d'Englannaz, la longueur de la glière ne laisse planer aucun doute sur l'appellation d'Eau morte qui est donnée au torrent de Saint-Ruph :
Mais, à nouveau, au-dessous du pont, l'Eau Morte reprend un débit plus rapide du fait de la pente créée et libère ainsi les galets, graviers et sable qui vont se déposer plus loin, à l'aval. Les bords du ruisseau se couvrent de saules et d'osier qui s'épaississent le long du cours d'eau :
La crue du torrent de Saint-Ruph au lieu-dit la glière (Claude Bandiera - 3 mai 2015)
Sous Mercier, la Glière de l'Eau Morte atteint la base des arbres et dégrade les parcelles :
Au pont Carrier, sur la RD 1508, les artisans de l'entreprise FAMY entreprennent des travaux importants afin de renaturer le Torrent du Saint-Ruph dans sa portion où il est appelé ''Eau Morte'', dans la plaine de Mercier :
C'est ainsi que
est en cours de renaturation.
On notera toutefois l'impropriété du terme qui veut exprimer ''rendre naturel le lit de la rivière'', alors que, au contraire, il n'y rien de plus naturel que ''le lit tel qu'il est'', puisqu'il est dans l'état où la nature l'a configuré.
Mais la collectivité doit aussi participer à la protection des habitants et des parcelles cultivables. Alors, il faut parfois la guider dans ses aléas.
Des risbermes ou ''talus de protection'' - en jaune - sont installées afin de protéger les parcelles contiguës de l'impétuosité de l'Eau morte lors des grandes crues du Torrent du Saint-Ruph.
© Bernard Pajani, Historien local et président du CPCGF - Histoire et Patrimoine des Pays du Bout du Lac – juillet 2015.