Ernest vient de confier une lettre de famille qui pose de vraies questions, quant à son acheminement. Elle est datée du 24 mars 1742, en son intérieur.
Un petit rappel historique :
"Nous sommes sous le règne du roi de Sardaigne Charles-Emmanuel III. La Savoie sera envahie en fin d'année 1742 par les Espagnols.
La France de Louis XV est en guerre de succession contre l'Autriche (depuis 1740, Charles-Albert de Bavière revendique le trône autrichien contre l'héritière Marie-Thérèse d'Autriche)"
Que voyons-nous sur le recto et le verso de la lettre ?
- l'affranchissement : il est de 7 décimes mais de Paris à Annecy, cela semble bien peu,
même si le port ne va que de "France à pont de Beauvoisin" (inscription à la plume)
Où peut-on trouver les tarifs de l'époque ?
- le mode d'acheminement : le timbre humide est "LA FERME GEN. DES POSTES"
avec la présence d'une couronne royale et la mention "PORT PAYE"
- la présence d'une marque "9" au verso : est-ce une taxe supplémentaire de port
pour le Royaume de Sardaigne, du Pont de Beauvoisin à Annecy ?
[Une demande a été formulée à une revue nationale afin qu'un lecteur bien informé donne les réponses circonstanciées qui seront publiées ultérieurement.]
Le courrier intérieur mentionne la date du 24 mars 1742, et ne pose pas de problème particulier de transcription.
Transcription :
A monsieur
[france à pons beauvoisin]
"Monsieur l'avocat Ruffy demeurant
à annecy en Savoye pour faire
[savoire] sil luy plait a Jean Batiste
Perguay en la paroisse de merlans
a annecy en Savoie"
//
"Mon chere frère
Jay apris que vous aviez envie de venir
a paris mais je vous pris de ne vous point
donner cette peine jens Scay le sujet
pour quoy, vous naurés qua Jouire puisque
vous avés la procuration de mon cousin
Je vous écrist pour vous tranquilliser Sur cela
la misère et Sy grande a paris pour le
présens qua peine y peut ont manger
du pain toute et dune Chéreté horible
une grande partie dartisans et douvrier
meur de fain les marchand ne vende
point et la guer a Beaucoup de par a
tous ceste dizette toutes les Bourgeois et
et les seigneur se retranche dune grande
partie de leur domesticque mesme de
chevaux et d'équipage je finis en vous
priant de faire mes compliment a ma seure
et a toute nos amis et Je demeur
vostre affectonnées seur Jeanne perguay
Tous mes frères et Seur ce porte bien
de paris le 24 mars 1742."
(Un mot pose problème : "Jouire" ne semble pas correct mais on peut lui donner une signification que l'on trouvera ci-dessous)
Traduction du texte :
[De France à Pons de Beauvoisin]
"A Monsieur l'avocat Ruphy demeurant
à Annecy en Savoye pour faire
[savoir], s'il lui plait, à Jean Baptiste
Perguay en la paroisse de Marlens
par Annecy en Savoie"
//
"Mon cher frère
J'ai appris que vous aviez envie de venir
à Paris mais je vous prie de ne pas vous
donner cette peine. J'en connais la
raison. Vous n'aurez qu'à jouir des biens puisque
vous avez la procuration de mon cousin.
Je vous écris pour vous tranquilliser à ce sujet.
La misère est si grande à Paris pour le
moment qu'on peut à peine manger
du pain. Tout est cher, c'est horrible !
Une grande partie des artisans et des ouvriers
meurt de faim. Les marchands ne vendent
pas et la guerre y est pour une grande part dans
toute cette disette. Tous les Bourgeois et
les seigneurs se démunissent d'une grande
partie de leurs domestiques et font de même avec
leurs chevaux et les équipages. Je finis en vous
priant de faire mes compliments à ma sœur
et à tous nos amis et je demeure
votre affectionnée sœur Jeanne Perguay
Tous mes frères et Sœur se portent bien
de Paris le 24 mars 1742."